Les livres… je ne me souviens pas d’une époque où ils ne m’ont pas accompagnée.
Toute petite, lorsque j’allais faire les courses avec mon père, il me laissait au rayon “livres”. C’était notre rituel du samedi midi : il venait me chercher à l’école, nous descendions à Saint-Pierre, petite ville de l’Île de la Réunion, et nous allions dans ce petit supermarché, où le rayon “livres” n’était pas le plus achalandé mais il y avait tout de même plusieurs livres de La Comtesse de Ségur.
Je me souviens de regarder la liste de tous ses romans, sur la première page de ses livres et de souhaiter tous les lire, dans l’ordre si possible.
Je me souviens de la joie que j’éprouvais lorsqu’en arrivant devant cette petite étagère, il y en avait un nouveau, un que je n’avais pas encore lu…
Je le prenais, m’asseyais sur le carrelage froid du magasin, lisais, je n’étais plus sous la lumière des néons, ni sous le soleil des Tropiques, je m’évadais, je rejoignais Sophie, Jacques, Paul, Jean, Charles, Betty et les autres,
Le temps n’avait plus sa place, et même si cela ne durait que quelques dizaines de minutes, le temps de quelques pages ou chapitres, c’était ma bouffée d’oxygène.
Puis, lorsque mon père avait fini, il s’approchait, me demandait “Qu’est-ce que tu lis ?” , je me souviens de lui tendre le livre, impatiente et tremblante de connaître sa réaction, il le regardait et me disait parfois “tu le veux ?” … la magie pouvait alors continuer, j’étais tellement heureuse de pouvoir l’amener avec moi et le dévorer… telle une ogresse de conte…
Camille et Madeleine me touchaient beaucoup, ces jeunes filles, pleines de douceur et de tendresse pour Sophie qui ne savait pas comment agir. Marguerite aussi, cette petite fille que les “petites filles modèles” accueillent à bras ouverts et réconfortent suite à un accident de carrosse.
L’univers de la Comtesse de Ségur, même si certains n’y voient que la simple opposition du bien et du mal, des leçons de morale, a énormément touché l’enfant que j’étais.
Des histoires d’enfants justement, parfois abandonnés ou punis injustement… des histoires de vie, d’enfants, de marâtres terribles, de châtiments corporels, de méchanceté, de guerres mais également de bonté, de générosité, de persévérance… et surtout, surtout, à la fin, tout s’arrange : “Après la pluie, le beau temps”…
L’enfant que j’étais avait besoin de savoir que ça pouvait bien finir, que la douleur ressentie n’était pas une fatalité… les livres, et notamment Madeleine, Camille, Betty, Madame de Fleurville, Moutier, Paul, pour ne citer qu’eux, m’ont appris que la générosité et la bienveillance pouvaient gagner et je suis certaine que cela a eu une place cruciale dans ma construction et ma résilience.
Les mots, prononcés ou écrits par les autres, m’ont toujours inspirée et guidée : “Après la pluie le beau temps”, “, La vie n’est pas d’attendre que l’orage passe mais d’apprendre à danser sous la pluie” “ Sois toi même, les autres sont déjà pris”, “ Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort”, “Sois le changement que tu veux voir dans le Monde” sont autant de phrases qui m’ont servi et me servent chaque jour de mantra.
Si, grâce à mes mots, je peux inspirer à mon tour ne serait-ce qu’une personne à se relever, à suivre ses rêves ou à juste reprendre espoir, alors tout cela aura un sens.Et quand je dis “tout cela”, je parle de tout ce que j’ai vécu, lu, entendu, vu, tous ces hauts et ces bas, surtout ces bas. Un sens si ce que j’ai appris durant ces moments difficiles, ces crises, aura servi à devenir la femme que je suis mais surtout à pouvoir – avoir le pourvoir de – tendre la main à l’autre, encourager une résiliance, murmurer quelques mots d’espoir dans un esprit assombri…
Je suis née à la Réunion, sous le soleil de tropiques comme j’en plaisantais plus haut et je veux être cette source de lumière dans la vie de ceux qui sont perdus, dans l’obscurité de leurs âmes. Remettre une lueur d’espoir, les mots sont là, remettre de la lueur dans le regard… Aujourd’hui, cela devient une urgence de transmettre ces graines d’espoir car je connais leur pouvoir et surtout, je connais le prix d’une vie passée dans le noir, le cout de la noirceur.
Ce que m’a transmis Sophie Rostopchine, c’est cette lueur d’espoir et je veux la transmettre à mon tour, telle la flamme olympique qui ne s’éteint jamais pour que peut-être un jour, une petite fille, en lisant ou entendant mes mots, mon histoire, se sente moins seule…
Je ne rêve de succès que s’il permet d’impacter plus de personnes, d’aider à reprendre pied, je rêve parfois de succès mais pas de gloire. J’ai juste besoin que mon message soit entendu.
Pour se lancer, cette urgence de transmettre doit être plus forte que mes croyances, mes peurs, mes résistances…
J’en ai noirci des pages, sans jamais les partager, sauf bien sûr pour le besoin de mes études, à des fins d’évaluations, de notes… Les notes… mes notes de français justement n’ont certainement pas encouragé l’écrivain en herbe que j’étais. L’imagination et la créativité jugées à grands coups de stylo rouge… Daniel Pennac en parle tellement mieux que moi que je n’épiloguerai pas sur ce sujet, mais je me souviens encore de la frustration ressentie quand au rendu des copies de rédaction, je me sentais parfaitement incomprise, surtout lorsque je pensais avoir été drôle et créative.
Alors mes écrits, je les ai gardés pour moi… je n’écrivais d’ailleurs que pour moi, pour m’aider à y voir plus clair, à exprimer ce que je ressentais, en mode “Journal intime”.
J’ai longtemps hésité à écrire dans le but de partager, me persuadant que d’autres le feront mieux que moi. Finalement, “ma vie étant mon message”, je pense que la force de conviction acquise par mes échecs et mes douleurs ainsi que dans ma capacité à me relever, trouvera le chemin du cœur de ceux et celles qu’elle doit toucher…
Alors, il n’y a plus qu’à se lancer, écouter ce feu intérieur, cette flamme qui cherche à réchauffer un cœur, à éclairer l’autre. Faire ce pour quoi je suis faite, malgré les obstacles et mes peurs, me donne le courage de me lancer. 5 – 4- 3 – 2 – 1 GO
Merci pour ce texte inspiré et si authentique !